Le Patois Ziniérais
En 1835, Abel Hugo, le frère de Victor fait paraître « la France pittoresque » par département. Dans le tome II (pages 201 à 208) concernant le Maine-et-Loire, on peut lire : « Le langage des hommes est bref et brusque ; celui des femmes, au contraire, est long et traînant ; naturellement vives, elles ont plutôt fait une chose qu’elles ne l’on dite….
La langue usitée dans les villes du département est la langue française, avec un accent un peu traînant, mais les habitants des villages ont divers patois qui leur sont propres, et qu’on ne comprend plus à quelques lieues de distance. Celui qui est en usage sur la rive gauche de la Loire est le plus remarquable : il est composé, en grande partie, de latin et de français corrompu de quelques mots anglais, et d’autres dont il est impossible de deviner l’étymologie. Les paysans y tiennent beaucoup et s’en servent uniquement entre eux »
Le patois, langage oral par définition, peux être transcrit de manière très diverses suivant les différentes prononciations, les accents, les intonations. A la Zinière, il a sans doute eu des influences angevines, vendéennes, poitevines mais aussi ses propres spécificités locales. Par exemple, pour prononcer le mot « toile », certains disait « touèle » et d’autres « touale ». Du coté de Cholet, on parlait du « tchisserand » pour tisserand et du coté de Beaupréau, on disait plutôt « tiésserand » Pour le lait, le « t » restait muet à Cholet où l’on prononçait « lé » et vers Beaupréau on buvait du « lett » à la foire de « Cholett »
Pour illustrer cet article voici une petite histoire d’un jeune de la Séguinière telle qu’il aurait pu la raconter dans les années 1900.
Eune p’tite histouère enteur nous !
Hier d’ressié, prés du douet de l’église, j’étions trempé-guéné après la grosse r’napée. J’m’sé dit tout seul : « Tchiau balle guernouilles qui dansons sous la pluie » J’avions bein envie d’en attraper eune ou deuss mais y sont toutes r’tournées dans la Moëne quand les drôles de l’école sont v’nu avouiller yeu seilles pour sincer et fombreyer les vieux carreaux d' yeu classe.
Y n’arrêtont point de brailler et les guernouilles sont toutes parties à l’égaillée.
Anhuit, j’é r’tourné zieuter mais rein ! Oh si !!!
Eune seule guernouille, eune balle guernouille meim ! La Marie du bourg neû , avec son balluchon d’linge sale. J’en sé tout ébauhi. Mais ché bein coume un drôle, si j’y cause, j’arai peur d’la faire fuir, la Marie.
Ast’heure, j’voudrons bein y glisser un mot doux, mais j’écrivons coume un goret.
Et coume toujours, j’y font rein qu’un biau sourire et j’mé sauvé……….. tout pêteux.
Lexique :
- Anhuit : aujourd’hui
Ast’heure : A cette heure, maintenant, désormais
Avouiller : remplir d’eau
Douet ou doué: lavoir
Drôle : enfant
Egaillée (à l’) : dans tous les sens, s’égailler = se disperser
Ebauhi : Ebahi, ahuri
Fombreyer : nettoyer le carrelage d’une maison, une litière d’étable
Goret : porc, cochon
Guernouille : grenouille
Neû : neuf. Le bourg-neuf se trouvait à la Séguinière après le vieux pont vers le sud (rue de la marche, rue du vieux pont)
Ressiée (d’) : après- midi
R’napée ou ernâpée : nuée, averse, ondée
Seille : un grand seau
Sincer : Nettoyer et plus particulièrement le sol
Tchau : quelle
Trempé-guéné : guener=mouiller, le terme signifie être trempé comme une guenille sortie d’un seau d’eau.
Yeu : leur
Zieuter : regarder
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Bibliographie :
-Rigourdaines d’Anjou, Elie Bardon, Imprimerie du Progrès, 1943
- Cholet et les choletais après la belle époque, Augustin Jeanneau, les éditions du choletais, 1974
-Au temps des années folles, Augustin Jeanneau, les éditions du choletais, 1975
-Coutumes, légendes et rimiaux des pays d’Anjou, Félix Landreau, éditions imprimerie Paquereau, Angers, 1993
- Le parler populaire en Anjou, Augustin Jeanneau, Adolphe Durand, les éditions du choletais, 1998
Carte postale de 1909 de C.Lestin
L’auteur Célestin Guérineau (1886-1917) mélange le patois saintongeais et celui du Plateau Mellois au sud des Deux-Sèvres.