Nous n’avons pas d’archives permettant de préciser l’origine des fours briquetiers de la Brunière ; tout ce secteur de la Séguinière a un long passé avec le travail de l’argile très présente dans le sous sol. Les fours étaient nombreux : à l’Espérance, à la Brunière et à l’Etablère. Tous ces fours installés dans la campagne étaient tenus par des agriculteurs qui étaient tantôt pris par le travail des champs tantôt par le travail de l’argile. Il était difficile d’extraire la terre l’hiver et c’est pourtant à cette saison que l’argile s’extraire. Difficile aussi de faire sécher l’argile pendant les saisons humides et froides, étape indispensable de la fabrication. De plus, une fois moulée, l’argile n’aime pas le gel !
Le four de la Brunière est aujourd’hui le dernier four briquetier visible. Juste à côté il y en avait un autre, plus ancien qui était utilisé fin du XIXème siècle ; nous pouvons voir encore aujourd’hui des traces de ce four plus vieux puisque le mur ouest du four actuel est doublé : en fait c’est le mur de l’ancien que l’on voit d’où la présence de briques qui étaient les briques réfractaires de l’intérieur de l’ancien four. Victor Marie Durand et Jacky Boizumault ont travaillé quelques années ensemble avec ce four ; Victor Marie a cessé son activité de briquetier en 2001. « Spécialisé » dans la brique plâtrière (celle qu’on utilise pour les cloisons et la brique à plafond, la production était en moyenne de 50 tonnes semaines sachant qu’une cuisson correspondait à 25 tonnes de briques.
Laissé à l’abandon depuis la cessation d’activité, le four dressait encore fièrement ses deux cheminées de briques. Celles-ci lézardées, noircies, cerclées de ferraille montraient cependant leur fragilité après tant d’années à supporter les dilatations liées aux changement de température mais aussi à supporter les vibrations dues aux nombreux camions qui passent chaque jour juste à côté. Selon certains briquetiers, un four chauffé à 1200° peut se dilater de 10 cm pendant un temps de chauffe !
Ce four est de taille moyenne avec une longueur de 6,80 m, une largeur de 2,90 m et une hauteur de 2, 10m pour les dimensions intérieures. Les cheminées mesurent 3, 6 m. D’abord ce fut un four chauffé au bois, puis au fuel (deux gros brûleurs avaient été installés aux portes des foyers), puis ce fut le gaz et un retour au bois pendant les dernières années. L’alimentation du foyer se faisait par deux ouvertures côté sud. Une cuisson nécessitait environ 10 stères de bois pour faire monter la température aux environs de 9OO degrés pendant une durée de 24 heures. Le briquetier devait donc être présent jour et nuit pour alimenter le foyer toutes les heures et entretenir le feu tout en surveillant, à l’œil, la température. Un excès de température pouvait en effet faire fondre la brique. La surveillance se faisait bien sûr côté foyer en appréciant l’intensité du feu et du côté des cheminées en surveillant la couleur de la brique par des orifices que le briquetier obturait avec des briques lorsqu’il avait fait son inspection ; ces orifices sont ces petites « fenêtres » à différentes hauteurs qu’on peut voir encore actuellement.
Si le temps de cuisson était une étape difficile, le remplissage n’était pas non plus de tout repos. Il fallait en effet disposer toutes ces briques de façon méthodique de telle sorte que la chaleur puisse traverser le four sur toute sa longueur. Les briques les plus proches du foyer étaient protégées des flammes par un « mur pare feu » c’est-à-dire deux rangs de briques condamnées qui étaient repositionnées avant chaque cuisson. Une fois le four plein, l’artisan briquetier fermait le four en murant l’entrée avec des briques et de l’argile. Une fois le feu lancé, une fumée noire se dégageait de façon continue par les cheminées pendant toute la cuisson. Il fallait ensuite régler le tirage en fermant plus ou moins les portes des foyers, voire en installant un gros ventilateur devant quand il n’y avait pas assez de vent ou lorsqu’il était contraire, mais ceci n’a pu se faire que lorsque l’électricité est arrivée à la Brunière ! Les murs des environs portent encore des traces de ces fumées épaisses car les vents d’est ou de nord-est les rabattaient vers les maisons d’habitation.
Quand le briquetier estimait que la cuisson des briques était satisfaisante, il cessait d’alimenter en bois et laissait refroidir le four ; un gros ventilateur aspirait l’air chaud du four pour l’envoyer dans le hangar de séchage situé face aux cheminées. Ce séchoir recevait l’air chaud mais aussi les fumées, c’est pour cette raison que les murs sont noircis par la suie.
La fabrication des briques se faisait de l’autre côté de la route sous des hangars où étaient installées les différentes machines : la broyeuse qui malaxait l’argile ; les mouleuses qui poussait l’argile dans des filières différentes selon la brique fabriquée. Une dernière machine sectionnait, à l’aide d’un fil, à intervalles réguliers, la brique qui sortait en continu ; comme un fil à couper le beurre !
Quant à l’extraction de l’argile, pendant longtemps ce fut un travail pénible effectué à la main dans des carrières toute proches qu’on appelait des « fousses ». L’extraction se faisait en fonction de l’épaisseur de la couche d’argile et de sa qualité. Parfois, il fallait descendre jusqu’à 6 m pour chercher l’argile ; il devenait impossible alors de jeter directement la terre extraite sur la plateforme ; le briquetier creusait donc en escalier pour former des paliers ; avec sa fourche il prenait la terre au fond du trou et la jetait sur la marche (le palier) du dessus puis un autre ouvrier (ou lui s’il travaillait seul !) la reprenait et la jetait sur le palier du dessus et ainsi de suite jusqu’à ce que le briquetier puisse mettre l’argile sur la plateforme! Un tas se formait et devenait la réserve où il venait avec une charrette prendre selon les besoins. Avec la mécanisation, il était plus aisé et plus rapide d’extraire l’argile avec des pelles mécaniques et de la transporter avec remorque et tracteur.
Caractéristiques du four :
- Dimensions extérieures : 7, 30 de longueur par 6,20 m de largeur. Sachant que la largeur intérieure fait 2,90 m l’épaisseur totale des murs latéraux est de 3,30 m ! Ceci correspond à trois épaisseurs de mur puisque le mur ouest est doublé. Chaque mur latéral fait donc 3,30/3 = 1,10m !!! Le mur sud fait environ 60 cm d’épaisseur. Les cheminées font 1,03 m x 1,13 m x 3,60 m (Au moment de la restauration elles étaient plus hautes car Victor Marie avait posé des bricos à sec pour augmenter le tirage.)
- Les cheminées sont en briques pleines 5x11x21. L’intérieur de la voute est en briques réfractaires posées debout avec une clé en chamotte.
- Les murs sont en moellons maçonnés à la chaux et à la terre.
- La toiture était en tuiles de type tiges de botte. Au moment de la restauration, il était recouvert de plaques de fibrociment.
- Un contrefort avait été construit pour soutenir le mur des foyers qui avait un sérieux faux aplomb.
- Au moment de la restauration, le four possédait une marquise en tôle qui servait à protéger les brûleurs quand le four fonctionnait au fuel puis au gaz.
Autres informations :
Le bois de chauffage était fourni par la scierie Biotteau et par l’usine de meuble Bodin Dixneuf ; Noël Baudry roulait le bois. 1889 le four est déclaré aux impôts.
Le four a été construit après 1945. Le plus ancien a été démoli en 2003.
Pendant 14 ans Victor Marie a travaillé avec son père Victor. Ils ont été jusqu’à 5 ou 6 à travailler. 2 ans tout seul et avec Jacky en 76 qui faisait sa ferme. Un employé Rémi Gonnord de 83 jusqu’en 2001. Cessation d’activité en 2001.
Produits fabriqués :
Briques à plafond, briques plâtrières de 3 de 4 et de 5cm - de la tomette
Des brico de 8 de 10 de 15 et de 20 cm des ourdis et des drains de 7 cm de diamètre.
Une fournée : 25 tonnes.
50 t par semaine pendant 40 à 45 semaines par an.
La restauration du four briquetier.
Nous avons commencé en avril 2016. L’état des lieux que nous avions fait prévoyait la réparation du mur ouest éboulé dans sa partie supérieure, le colmatage des fissures des cheminées, la reconstruction des foyers, et la réfection de la toiture… Un chantier important pour lequel nous ne nous donnions pas de durée !
Mais avant de lancer ces travaux de restauration, nous avions pris contact avec les propriétaires pour connaître leur position sur un tel projet. Nous savions que ce chantier allait nécessiter des fonds pour l’achat des matériaux et nous voulions que ce four, une fois restauré, puisse être un élément du patrimoine de la Séguinière. Pour cette raison nous avons rédigé une convention tripartite comprenant les propriétaires, Durand, Boizumaut, l’association Histoire et Patrimoine et la municipalité. Par cette convention HPS et la municipalité pouvaient avoir accès au four pour des visites ou pour toute animation en lien avec le travail de l’argile.
Rapidement, les cheminées nous ont posé problème car nous avions imaginé rapprocher les bords des fissures en exerçant une pression latérale. Rien n’y fit et après concertation, nous décidions de démolir les cheminées pour les reconstruire. Pour cela il nous fallait un budget ; nous nous sommes tournés vers la municipalité et la briqueterie Bouyer Leroux, ce qui nous permis d’acheter 1000 briques 5x11x22 pleines, c’est-à-dire la moitié du nombre initial. En effet, nous avons remonté les cheminées en bricos à l’intérieur et en briques pleines à l’extérieur, les bricos étant donné par Victor Marie Durand ; ainsi le nombre de briques était divisé par deux.
Une chaîne accrochée à chaque cheminée, le tractopelle n’a pas eu à trop forcer pour les faire tomber. Pour ceux qui connaissaient bien la silhouette du four, il ne leur aura pas échappé que les cheminées reconstruites sont moins hautes qu’à l’origine. L’explication est simple, Victor Marie avait rehaussé les cheminées, à sec, c’est-à-dire en posant des bricos sans les sceller pour améliorer le tirage. Nous avons pris la décision de les reconstruire à la hauteur d’origine. Pour reconstruire à l’identique, toutes les cotes avaient été prises y compris les emplacements des orifices intérieurs pour l’évacuation des fumées et des orifices extérieures qui servaient à surveiller la température.
Pendant qu’une équipe travaillait sur les cheminées, une autre travaillait au maçonnage des murs ouest et est qui avaient souffert et qui étaient en partie éboulés. Quant au mur sud, là où sont les entrées des foyers, nous avons choisi de démolir complètement le mur et de le re-maçonner complètement car il n’était pas d’aplomb et présentait de larges fissures. Nous avions des craintes de voir la voûte du four s’écrouler aussi nous avons travaillé par étapes en étayant au maximum la voûte. Les ouvertures des foyers ont été entièrement refaites à la hauteur d’origine (le linteau avait été abaissé quand il y a eu le passage au fuel). Le mur a été reconstruit avec des pierres récupérées ici et là et en autre grâce à Bertrand Caillaud. Ensuite, le mur a été doublé de briques réfractaires à l’intérieur comme à l’origine. Les portes métalliques ont été découpées dans d’épaisses plaques qui servaient à faciliter le roulage des wagonnets entre le hangar de fabrication et le four. C’est Michel Girard qui nous a effectué ce travail. Quand le pignon sud a été terminé, il fallait penser à la toiture mais nous approchions de la mauvaise saison et nous avons décidé de mettre le chantier en hibernation. Nous avons bâché et avons attendu des jours meilleurs et plus longs.
La reprise en mars nécessitait des bras : en effet on allait attaquer la toiture. Bien sûr un premier travail avait été effectué avant de bâcher puisqu’on avait nivelé la terre qui compose le support des tuiles. Nous avions aussi scellé les tuiles de rives en profitant des échafaudages. Maintenant il fallait poser les tuiles de gouttières c’est-à-dire les tuiles qui débordent du toit et qui éloignent l’eau du pied du mur. Les courants c’est-à-dire les tuiles les plus importantes qui permettent l’écoulement de l’eau nous ont été données par Marcel Barré de la Roussière. Les « tiges de botte » qui servent de chapeaux ont été données par Victor Marie qui en avait en stock, par Jean -Marie Chauveau de la Batardière, par Eugène Marie Baudry qui a à peu tout en stock chez lui ou qui connaît quelqu’un qui a en stock ou qui connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a en stock ce qui fait qu’on trouve toujours ce qu’il nous faut !
Il nous faudra deux jeudis pour couvrir le four. Il restait enfin les finitions ! Pourquoi ne pas paver devant les foyers car l’eau stagne quand il pleut. Une demi-journée à trois pour fendre une bonne centaine de pavés et une demi-journée pour les poser… Voilà un petit plus qui agrémente les abords. Il restait l’entrée du four… Des tommettes, voilà une bonne idée ! Un après-midi et voilà notre four comme neuf … et peut-être mieux qu’à l’origine… sans se vanter bien sûr !
Il nous reste maintenant à électrifier le four pour permettre aux visiteurs de bien voir à l’intérieur. C’est le travail de notre électricien qui va intervenir une fois l’inauguration passée car il va de soi que nous allons tester le four pour vérifier que le tirage est bon ! Quel plaisir et quelle satisfaction de revoir fumer les cheminées. Pour électrifier le four, il nous a fallu creuser une tranchée de la maison de Jacky jusqu’au four ; d’abord à la pioche puis à la mini pelle car le sol était trop compact et très empierré dans le chemin. C’est Loulou Brochard qui conduisait la mini pelle prêtée gracieusement par … de la Bifaumoine.
Que dire de plus de ce chantier ? Un vrai travail d’équipe dans la bonne humeur avec des parties de rigolade, des faciès de sioux quand les gars sciaient tout l’après-midi des briques. Des barbecues insolites quand toutes les saucisses se sont retrouvées par terre ! Bravo le cuistot ! et j’allais oublier un détail important le gâteau de Chantal, je devrais dire les gâteaux de Chantal car chaque jeudi ( je crois bien qu’elle en a fait à chaque fois) , Jacky allait chercher le ou les gâteaux ( et rarement les mêmes) sur les coups de 17 h et on clôturait la journée en dégustant une tarte, un roulé à la framboise et autre merveille avec un bon verre de rosé ! Pas mal non ? 4 – 6 – 8 ou jusqu’à 18 h à travailler. Vous dire combien d’heures de travail, j’en sais fichtre rien et puis après tout à quoi bon, car comme dit l’adage : « Quand on aime on ne compte pas. »
Et puis souligner aussi toutes et celles et ceux qui sont venus nous encourager, des gens de l’association mais aussi des randonneurs, des gens de passage qui se sont arrêtés… Certains ne venaient pas les mains vides si vous voyez ce que je veux dire !
Fin de chantier donc ! Heureux de voir le four debout, solide, beau, prêt à affronter de longues années. Le voilà maintenant intégré dans le patrimoine de la Séguinière.
Bonjour à toutes et à tous,
Mr le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillères et Conseillers municipaux, les Présidentes et Présidents des associations, Mr Fernandez, Directeur de la briqueterie Bouyer- Leroux, Monsieur e Madame Durand, Monsieur et Madame Boizaumault, les propriétaires du four et les membres de l’association histoire et patrimoine.
C’est toujours un temps fort pour notre association que de nous rassembler suite à une de ses restaurations. Depuis que l’association a été crée, en 2010, celles-ci ont été nombreuses. Je peux vous en rappeler quelques-unes : la Fontaine des morts, Notre Dame de la Paix, le puits du pont Larousse, le vieux pont, l’autel St Hubert…
Nous nous retrouvons donc en ce jour pour inaugurer la restauration du four de la Brunière.
Comme toutes les restaurations que l’association a entreprises, celle-ci a demandé d’abord un long délai de réflexion et ensuite du temps pour sa réalisation. Ce four construit en 1945, a cessé son activité en 2001. Qu’allait-il devenir, allait-on le laisser à son « triste sort »… le raser ?
Permettez-moi de faire un bond dans le passé, et de vous parler… vélo, plus précisément de la course « Cholet Pays de Loire ». Rien à voir avec le four, me direz-vous, et pourtant…. ! En 2010, je rencontre sur le parcours un des propriétaires du four Victor-Marie Durand qui était commissaire de course. Une conversation s’engage entre nous, et je lui parle du four.Il me répond qu’il envisage de le restaurer pour garder en mémoire son travail de briquetier, mais que c’est un travail énorme étant donné l’état dans lequel il se trouve. Que cette restauration a aussi été évoquée avec Serge Guinaudeau (adjoint au Maire) et nous en restons-là. L’année suivante, je revois Victor- Marie, toujours fidèle à son poste sur la course « Cholet Pays de Loire » et nous reparlons de nouveau du four. Pour lui, cette restauration est toujours dans ses projets, l’idée fait son chemin.
Lors d’une réunion de l’association, le sujet de ce four est abordé En septembre 2015, Victor- Marie et Jacky, sont invités à un Conseil d’Administration. Après avoir échangé sur ce projet de restauration, ils donnent leur accord.
Une convention est signée le 5 mars 2016 entre les propriétaires l’association Histoire et Patrimoine et la Mairie de la Séguinière. Le chantier peut commencer.
Le jeudi 7 avril 2016 celui-ci démarrait. Il n’est pas possible d’entrer dans tous les détails de cette restauration, mais les photos, qui ont été prises pendant les travaux et le diaporama que vous pourrez voir ensuite, vous donneront une petite idée de l’ampleur du travail.- Et vous pourrez, au cours de la visite, poser des questions à ceux qui y ont participé. Ils se feront un plaisir de vous répondre.-
Je m’arrêterai plus précisément sur deux points de la restauration : les cheminées et l’entrée des foyers.
Les cheminées étaient fissurées. Il avait été envisagé dans un premier temps de les resserrer, mais peine perdue. Il fut donc décidé de les abattre et de les remonter en briques pleines. Ce sont André Drouet, notre maître d’ouvrage, et son frère Gilbert qui se sont mis à la tâche pour les remonter.
Pour l’entrée des foyers, tout comme pour les cheminées, le mur a été entièrement déconstruit. Rémy Malicot et Jean- Louis Dillé, avec l’aide de plusieurs autres adhérents, se sont chargés de lui redonner son aspect d’origine. Michel Girard a refait les portes des foyers et Jean- Paul Tricoire la porte qui ferme l’entrée du four (car pour Jean- Paul, il n’était pas question d’entrer dans le four comme dans un moulin !)
Notre chef électricien, Alain Maudet, s’est occupé de l’éclairage. Il a installé l’électricité et un détecteur de présence qui se déclenchera aux passages des visiteurs. Ce qui permettra d’éclairer l’intérieur du four même quand celui-ci sera fermé.
Bien d’autres compagnons ont participé à ce chantier et ont donné des coups de main. Je ne peux pas tous les citer, au risque d’en oublier. (D’ailleurs, j’en aperçois pas mal dans l’assistance de ceux qui ont aidé et on dut retrousser les manches.
Nous nous retrouvions tous les jeudis après- midi, parfois des jeudis entiers. Nous avons été jusqu’à 18 à nous activer, soit pour poser les pierres, trier les briques, brasser le ciment, creuser une tranchée, faire les joints, la toiture, rouler la brouette… Pas d’ouvriers de la première ou de la dernière heure, simplement des personnes venues donner de leur temps.
Nous avons eu droit aussi au passage de gens intéressés, ou de curieux qui venaient voir l’avancement des travaux ou nous encourager. Même Monsieur le Maire du vieux pont (Georges Sachot pour ne pas le nommer) est passé pour arroser son anniversaire. Il est entré sur le chantier, levant les bras au ciel (avec deux bouteilles à la main), en s’écriant : « Alors ça bosse fort ! »
Ce à quoi, une voix venue je ne sais d’où, peut-être du ciel a répliqué :
« Et toi, tu phosphores ! »
Je peux vous assurer que les compagnons qui étaient à l’ouvrage ont accompli leur devoir avec ténacité et persévérance. Ils n’ont pas ménagé leur peine pour que ce projet de restauration aboutisse. Ce fût un travail que je qualifierais de titanesque et, je pense, de chantier du siècle pour l’association !
Le 1er juin 2017, la restauration du four est achevée.
Au nom de l’association, je remercie vivement tous les adhérents qui ont travaillé à cette restauration.
Je remercie également Victor- Marie et Jacky les derniers briquetiers du four de la Brunière, qui pourront vous parler de leur travail et du fonctionnement du four. Ils étaient aussi avec nous sur le chantier, et savaient-nous approvisionner en boisson fraîche, pour remonter le moral des troupes qui ainsi n’a jamais été au plus bas !
Merci également à leurs épouses qui nous préparaient des délicieux gâteaux pour la fin de la journée.
Merci à Marcel Barré qui nous a fourni des tuiles pour la réfection de la toiture, à Bertrand Caillaud, pour les pavés qui ont servi à faire un dallage devant l’entrée des foyers et à Maurice René pour les briques que nous avons utilisées pour la reconstruction.
Merci à toutes les personnes qui nous ont prêté ou donné des matériaux.
Merci à l’entreprise Forges Deco-Ouest de ses conseils pour le vieillissement des portes d’entrée des foyers, aux entreprises Caillet et Corbet de Tillières, qui nous ont fabriqué des briques pour les cheminées.
Merci à la Société Bouyer- Leroux qui a apporté une aide financière pour cette restauration.
Merci à la municipalité de la Séguinière, toujours présente à nos côtés, qui soutient nos projets et qui a financé, en grande partie, les travaux.
Et maintenant que va devenir ce four ? Pas question de le remettre en route. Mais des visites guidées sont envisagées dans le cadre de découvertes du patrimoine, des temps d’animations, des expositions, des visites scolaires…
Vous pouvez à présent aller admirer le travail qui a été réalisé. Après la visite, vous pourrez découvrir le puits attenant, qui a été restauré par la même occasion par l’association.
(Ainsi, on pourra dire qu’à la Séguinière, nous avons le « puits du four ».)
Pour terminer, je qualifierais cette restauration de :
« Four-midable » et, comme nous l’avons menée au bout, ce n’est donc pas un échec, de ce fait nous n’avons pas fait de four. Mais tout de même beau quel four ! Je vous invite à l’arroser en enfournant des petits fours.
Encore un grand merci à toutes et à tous.
Georges Rochais 17 septembre 2017
Ce matin-là, 6 juin 1789, il faisait un temps magnifique. Le printemps était passé rapidement pour laisser la place à l’été et depuis 2 semaines les températures étaient dignes d’un mois de juillet. La nature donnait des signes de fatigue car il n’avait pas plu depuis un mois. Mais de cela, Victor Marie n’en avait que faire… Il avait sauté rapidement de sa paillasse, avait plongé dans ses sabots s’en s’assurer de la qualité de la paille et avait couru vers le four en prenant au passage sur la table, une tranche de lard et un morceau de pain gris.
Il était 7 heures du matin et le soleil qui avait déjà commencé depuis une heure sa course dans le ciel, baignait le chemin qui conduisait au four. Victor Marie avait hâte d’être là pour vider le four. Son père Victor, le voyant arriver, demanda aux bœufs d’arrêter avec un « Hooola » ferme que les deux bêtes connaissaient bien. « Salut fiston, tu es bien matinal ce matin ! Je t’avais dit que je viderai le four une fois le travail de la ferme terminé. » « B’jour papa, on commence quand ? » « Et bien tout de suite, je vais mettre la charrette près de la porte du four. Va chercher les fourches en bois dans la loge car les briques vont encore être chaudes. Avec ces chaleurs, le four ne refroidit pas vite. »
Victor Marie regardait à l’intérieur du four et plongeait son regard avec inquiétude dans le noir du tunnel. La chaleur suffocante le fit reculer de deux pas ce qui fit rire son père. « Tu as peur de cuire, on dirait ! T’inquiète pas, il est toujours là, derrière le premier rang de briques, bien protégé. Tu sais bien que nous avons pris toutes les précautions pour le mettre en place. » La première rangée de briques fut bientôt sortie. De temps en temps, une fois refroidies, le briquetier en reprenait deux, une dans chaque main, et il les frappait entre elles pour vérifier qu’elles sonnaient bien. « Ecoute ça fiston, comme elles sonnent clair, c’est qu’elles sont bien cuites, sûr que ce que tu as fait va être parfait ! » « J’aimerais tellement que ça soit réussi, grand-père aurait été content. »reprit Victor Marie.
Le grand père de Victor Marie s’appelait aussi Victor Marie. C’était la tradition, de père en fils ainsi on s’appelait Victor ou Victor Marie ; le petit fils portait le nom de son grand père…c’était ainsi depuis toujours. Son grand-père était décédé un mois plus tôt ; il avait une cinquantaine d’années ; son petit-fils adorait sa compagnie car le « grandpé » savait tout sur la nature: il savait reconnaître les chants d’oiseaux, il savait lire dans les nuages pour donner la météo, il connaissait toutes les plantes qui poussaient autour de la maison et dernièrement il lui avait appris à reconnaître la prêle des champs qui poussait tout naturellement non loin du four , de l’autre côté du chemin, près des granges de séchage. « Tu sais, il faut en mettre dans le jardin sous forme de purin, mais c’est aussi une plante qui soigne des maladies…. je t’apprendrai. » Et ça, ça épatait Victor Marie. Malheureusement, son grand père était déjà vieux et fatigué par le travail harassant de la ferme et de la briqueterie.
Avec l’été dernier qui avait été très sec et celui de cette année qui s’annonçait identique, le grand père avait décidé de faire creuser un nouveau puits plus profond et qui donnerait de l’eau aux gens du village sans crainte de pénurie. Pour cela, il avait contacté les différents feux pour prendre sa décision ainsi que le puisatier de la Séguinière, le père Papin qui habitait en haut du bourg. Un sourcier était passé avec sa baguette de coudrier et avait trouvé une source à sept ou huit mètres, « une bonne source » car la fourche de coudrier s’était tordue vers le sol par la force de l’attraction. Une somme avait été demandée à chacun pour supporter les frais de creusage, de maçonnerie, pour le treuil et la chaîne.
Cela faisait un mois que le puisatier était à l’œuvre s’enfonçant chaque jour un peu plus dans la terre. Avec son aide-manœuvre, il avait installé un chevalet avec poulie et corde et, à espaces réguliers, l’aide remontait un panier rempli d’un mélange de terre et de pierre. Victor Marie, avec son grand père assis sur une chaise, suivait le travail éreintant du puisatier. Son grand-père lui expliquait ce qui se passait au fond du trou car il lui avait interdit de se pencher pour regarder. Ils entendaient les coups réguliers de la pioche ; les premiers jours le bruit était mât, atténué, indiquant que la pioche s’enfonçait dans la terre, parfois le pic tombait sur une pierre et le son était plus sec, métallique ; et à chaque fois, le choc était accompagné d’un « morbleu sacrebleu, déjà la pierre ! » Du fond du puits, le puisatier criait à son aide : « Descends moi un marteau, un burin et la barre à mine. » Le travail était beaucoup plus lent et pendant quelques heures, les paniers remontés n’étaient pas nombreux. Les semaines suivantes ce n’était que du rocher et on n’entendait que le bruit métallique du lourd marteau sur le burin. En fin de journée, l’aide disposait une échelle pour que le puisatier remonte. Là, le grand père qui était assis sur sa petite chaise proposait un verre de vin aux travailleurs.
Mais un jour, un jour comme les autres, alors que Victor Marie et son grand père étaient là au bord du puits, tout à coup, son grand-père tomba de la chaise. Victor Marie lui demanda si ça allait mais il n’eut pas de réponse. Il partit en courant vers la maison pour avertir sa mère car son père était parti à la carrière tirer de l’argile. Le puisatier remonta du puits, et avec Chantal la mère de Victor Marie ils constatèrent que le grand-père était mort. Son cœur ne battait plus.
Pendant les semaines suivantes, Victor Marie eut beaucoup de chagrin. Son grand père qu’il aimait tant, lui manquait. Mais la vie avait repris et le garçon était tous les jours au bord du puits, tout seul, et c’est lui qui était assis sur la chaise. Dans sa petite tête d’enfant de huit ans germa une idée. Ce puits qui sera terminé dans quelques semaines, son grand père le ne verrait pas mais c’était pourtant grâce à lui que tout le monde pourrait profiter de l’eau. Alors, il fallait que ce puits porte la trace de son grand père… Il eut alors l’idée de le représenter en sculptant un buste avec de l’argile. Il en avait parlé à son père qui avait trouvé l’idée très bonne et même surprenante pour un enfant de cet âge. Victor lui avait préparé de l’argile déjà malaxée et lui avait confectionné une petite table sur laquelle son fils pourrait travailler.
Le buste fut réalisé avec une masse importante d’argile. Victor Marie fit ensuite une boule pour la tête et d’une façon un peu naïve creusa deux trous pour les yeux, un autre pour le nez et un trou ovale pour la bouche. Pour les oreilles, il fit deux petites boules qu’il aplatit et qu’il colla de chaque côté. Il fallait maintenant faire tenir la tête sur le buste et là Victor Marie n’avait pas d’idée. Posée simplement, il avait constaté que ça ne tenait pas. Il alla demander conseil à son père qui lui donna la technique. « Tu vois, pour que la tête tienne bien, il faut qu’elle soit maintenue dans le buste, alors ce n’est pas un boule en forme d’œuf que tu dois faire mais une forme d’œuf qui se termine en pointe. Dans le buste tu vas creuser un trou en forme de cône et ce trou recevra la pointe de la tête, tu comprends ? » Victor Marie avait rapidement compris ce que son père lui avait expliqué et il remodela la tête, lui fit une pointe pour le cou et il creusa le buste avec un bâton pointu qu’il fit tourner pour évaser le trou et lui donner la forme d’un cône. Ensuite, il plaça la tête et, avec un peu d’eau sur ses doigts, il souda la tête au buste. Il fallait le faire sécher pendant quelques jours, comme les briques pour ne pas que la terre se fissure, mais ça il le savait déjà depuis longtemps !
Et aujourd’hui, s’il était si impatient de vider le four, c’est qu’il allait découvrir le résultat. Son père, après avoir retiré le premier rang de briques, arriva au buste. Il avait une belle couleur rouge avec par endroits, des reflets marron. Victor Marie était très fier de sa réalisation. « Tu sais papa, on va le mettre dans le mur du puits comme ça ce sera le puits de grand père. Il sera toujours à côté ; je vais demander au puisatier de le cacher dans le mur juste là où il avait l’habitude de s’asseoir. » Le puisatier qui était aussi maçon, plaça donc le buste du grand père dans la base du mur, côté nord.
Et c’est pour cela qu’en démolissant le mur du puits pour le reconstruire, l’équipe de l’association HPS a découvert cette chose surprenante, placée là il y a plus de 200 ans : un buste de terre cuite avec dessus une tête de confection naïve, soudée au buste comme cela est expliqué plus haut.
C’est ainsi que commence une légende…
JLD le 17 mai 17